Ma nouvelle « Les 120 derniers jours » est arrivée seconde au concours des amis de la cité de l’espace 2023

Début de la nouvelle :

2035. J-120. Siège du CNES. Paris.

     Le directeur du Centre National d’Études Spatiales accueille Jean dans son bureau. L’ingénieur toulousain a été convoqué de toute urgence à Paris pour une affaire de la plus haute importance, au point qu’un avion a été spécialement affrété pour venir le chercher. À peine est-il assis que son chef lui annonce d’une voix grave : 

– Jean, tout ce que je vais vous dire est strictement confidentiel et ne doit en aucun cas sortir de ce bureau.

Après un court silence, pendant lequel il fixe son vis-à-vis, il ajoute :

– J’ai été contacté par le patron de la NASA. D’après les Américains, un astéroïde de trois mille mètres de diamètre pourrait s’écraser sur la Terre dans 120 jours exactement. La probabilité que l’événement se produise atteint les 85 %. Je pense que vous savez très bien ce que cela veut dire !

En tant que spécialiste de ce type d’objet céleste, Jean imagine tout de suite les conséquences d’un pareil accident : un morceau de matière extraterrestre de trois kilomètres de largeur pourrait provoquer la disparition de l’espèce humaine ! Tout dépend de sa composition et de son point de chute, mais, dans le meilleur des cas, ce seront au moins deux milliards de morts. S’il tombe dans un océan, ce qui est le plus probable, un tsunami de plusieurs centaines de mètres de hauteur balayera les côtes et une énorme quantité de vapeur d’eau occupera le ciel, engendrant ouragans et déluges. S’il atteint la terre ferme, il brûlera la surface autour de son point d’impact, générera un souffle gigantesque qui détruira tout sur son passage, suivi d’un immense nuage de poussière qui cachera le soleil pendant plus d’une année.

L’ingénieur s’enfonce dans son fauteuil, écrasé par le poids de cette nouvelle inattendue : le prochain événement de ce type n’était prévu qu’en 2046. Aussi, ne comprend-il pas pourquoi l’objet n’a pas détecté auparavant, alors que l’ensemble des géocroiseurs de plus d’une dizaine de mètres de diamètre ont été répertoriés, notamment par la NASA.

 Une fois l’information digérée par le spécialiste, le patron du CNES poursuit :

– Je vais aller droit au but : nous souhaitons mettre en place une équipe internationale afin de vérifier les observations américaines puis, si elles se révèlent exactes, étudier toutes les possibilités pour dévier le corps céleste de sa trajectoire initiale. Il s’agirait alors d’éviter qu’il ne s’écrase sur notre planète en sélectionnant la meilleure ou, si vous préférez, la moins mauvaise des solutions. J’ai immédiatement donné votre nom à la NASA et vous dirigerez la french team en coordination avec nos amis européens. Vous aurez évidemment carte blanche et budget illimité pour vous organiser. Tous les moyens de la maison seront à votre disposition avec une priorité absolue. Je souhaite avoir un contact téléphonique avec vous tous les jours à huit heures du matin afin de faire le point sur l’avancement de vos activités.

Après avoir tendu sa carte de visite, il reprend :

– Vous n’aurez par contre aucune relation avec les médias et le monde politique : je me réserve cette tâche. Le président de la République est, pour l’instant, le seul Français, en dehors de vous et de moi, à être au courant du drame qui se prépare. Il se trouve en ce moment même dans l’avion pour rejoindre le siège de l’ONU, à New York, où il effectuera une intervention télévisée en concertation avec les autres chefs d’État, afin d’avertir le monde entier, et détailler les principales mesures mises en place. En particulier, comme je vous l’ai dit, la création d’un groupe international pour coordonner l’affaire.

Une bonne minute est nécessaire pour que le cerveau du Toulousain analyse toutes les informations énoncées par son patron, et qu’il en déduise les conséquences. La première est qu’il va devoir oublier ses vacances, pensée qu’il se reproche aussitôt en réalisant que le sort de l’humanité est en jeu ! Pour les autres, il tente de les synthétiser à l’intention de son directeur :

— L’astéroïde est beaucoup trop près de la Terre pour être dévié par des méthodes dites douces, comme l’enrober avec une couverture thermique par exemple. Non, les seules solutions sont soit de l’impacter de face pour changer sa trajectoire, soit de le réduire en miettes en faisant exploser une bombe atomique lors du contact. Dans les deux cas, nous avons besoin d’un lanceur capable d’envoyer une sonde d’au moins une tonne à sa rencontre. La solution la plus sûre est la seconde, car elle cumule les deux effets. Par contre, c’est la plus difficile à mettre en œuvre, surtout en si peu de temps !

Comme le patron du CNES hoche la tête en signe de compréhension, ayant peut-être déjà parcouru le même chemin mental, l’ingénieur demande :

– En dehors des Américains, qui est au courant et qui participera à ce groupe ?

– Les Russes, bien sûr, les Japonais et les Chinois. Les Indiens n’ont pas encore pris de décision, mais ils pourraient très bien nous rejoindre. Chaque pays nommera un leader qui sera chargé de coordonner l’ensemble des activités convenues. L’équipe échangera en outre avec le Président de l’ONU qui devra arbitrer en cas de problèmes.

Ayant déjà travaillé sur de nombreux projets internationaux, Jean imagine la difficulté du challenge qui lui est proposé :

– N’avez-vous pas peur que chaque état tire la couverture à lui, et veuille s’attribuer le beau rôle dans cette aventure ? Il ne nous reste moins que 120 jours pour corriger l’orbite de cet astéroïde, ou le détruire, et nous allons devoir passer notre temps à régler des aspects politiques. Je ne pense pas que ce soit la façon la plus efficace de réussir !

Un sourire un peu désabusé accompagne la réponse :

– Je suis d’accord avec vous. Cette organisation est de loin la moins pratique… Sauf pour la première partie : rassembler et partager un maximum de données sur l’objet en question afin de définir les stratégies possibles. Au-delà, il est à peu près sûr que chaque gouvernement souhaitera jouer en solo, je ne fais guère d’illusion. Mais sait-on jamais, peut-être que l’urgence et la gravité de la cause dépasseront les égoïsmes nationaux. Mais, je rêve certainement ! Surtout par les temps qui courent ! Bon, rejoignez vos équipes maintenant et, de mon côté, je dois communiquer quelques informations au président de la République. Il attend mon appel dans son Airbus… Bonne chance… et que Dieu nous garde !

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