a-la-vie-a-la-mort-muller-gerardQu’est-ce que la poésie, sinon un cri. Un cri pathétique qui résonne comme l’incapacité, la désespérance de pouvoir changer les choses. L’auteur a délibérément choisi de mêler les formes poétiques classiques et libérées pour adresser les thèmes qui lui tiennent à cœur. Ce recueil propose alors un voyage aussi bien dans les affres que dans les joies de la vie. Il comporte quatre parties très différentes les unes des autres, comme une résonance aux différents tempos de l’existence. Le lecteur découvrira tout d’abord une couronne de sonnets sur le thème du cancer. Cet exercice est certainement le plus difficile pour le poète qui doit enchaîner quatorze sonnets dont le premier vers de chacun est identique au dernier du précédent, le tout à partir d’un sonnet maître constitué du premier vers des quatorze autres. La couronne démarre sur la maladie, puis s’égare dans les souvenirs du souffrant, avant de revenir vers son cancer. Vient ensuite la partie appelée « démesures » qui décrit les outrages de l’existence comme la folie, l’alcoolisme, la guerre et l’addiction. Le lecteur passe ensuite à la légèreté, avec quelques fois des clins d’œil érotiques, puis à un voyage à travers des jeux poétiques en guide de récréation. Il cheminera ainsi du plus grave au plus futile, pour finir sur des notes heureuses. Un happy end, en somme.

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 gilberte-gerard-mullerGilberte, jeune valaisanne « montée » à Lausanne pour y travailler comme serveuse, fait la rencontre de Gilbert, pilote privé excentrique, qui cultive une allure hippie. Elle est tout de suite séduite par le personnage qui va lui faire vivre des voyages et des expériences dont elle n’a même jamais osé rêver. Elle va découvrir l’Afrique, sa magie et sa misère, pour se consacrer entièrement à une mission qui lui tiendra de plus en plus à cœur. La petite campagnarde s’avérera une maîtresse femme au destin exceptionnel dans un monde encore trop dominé par les hommes

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le-rayon-vert-de-rodney-bay-gerard-mullerPierre, après avoir baroudé dans les Caraïbes, s’établit dans l’île de Sainte-Lucie, plus précisément à Rodney Bay, célèbre crique connue de tous les marins qui fréquentent ces mers. Là, il monte avec Paul, autre bourlingueur, une petite société qui propose aux nombreux touristes des excursions d’une journée sur les côtes de l’Île à bord de deux immenses catamarans. Vivant avec sa compagne Sandra, Pierre coule des jours heureux dans ce petit paradis, jusqu’à ce qu’un de ses clients lui révèle l’horrible face cachée de son associé qui, entre-temps, disparaît. Il retrouve Paul et découvre, petit à petit, une vérité beaucoup plus complexe que celle qu’on a pu lui révéler. Pierre va alors être entraîné dans des aventures au cours desquelles il se sentira plus manipulé qu’acteur. Il va ainsi pénétrer au cœur de la perversion qui hante parfois les tropiques. Le roman restitue le charme et la magie des Caraïbes, en n’occultant jamais l’envers du décor.

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Une Lune Moqueuse  (Gérardine)

Une lune moqueuse au croissant déluré
M’a donné rendez-vous d’un sourire complice
Dans le creux de ton ventre en velours mordoré.
Ici s’épanouit le céleste délice,
Ce divin paysage au dôme inexploré

Je désire ardemment ton caressant supplice,
Pierrot crépusculaire à l’excessive ardeur,
Un nuage coquin cache le cher calice
Qui recueille aussitôt ma robuste raideur.

Le subit abandon de l’astre bucolique
Excite notre trouble et toute la tiédeur
D’un râle entretenu par une âme angélique.

Puisse l’amour encor devenir éthéré
Dans un flot de plaisir au rythme diabolique,

Sous la lune moqueuse au croissant déluré

Article qui vient de paraître dans le numéro 161 Article Pyrénées magazine 002

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Quel club de golf utiliseriez-vous pour assassiner votre ennemi favori ? La plupart des joueurs interrogés ont répondu très vite : un fer 7. L’instrument est très maniable, et, dans les mains d’un bon golfeur, il peut s’avérer extrêmement dangereux.
C’est l’arme qu’a donc choisi le coupable des nombreux crimes commis tant à Paris que dans les environs de Toulouse.
Ève, passionnée de golf, la quarantaine assumée, va rencontrer Mikael, professionnel un peu désabusé de ce sport. Une relation fusionnelle va s’établir entre eux, jusqu’au jour où des meurtres à répétition de joueuses vont venir perturber l’idylle naissant. Celui-ci résistera-t-il à la série d’événements qui vont faire resurgir un passé douloureux ?
Ce roman, écrit par un golfeur pour des golfeurs, pourra aussi enflammer les non-initiés, tant son thème est universel : celui de la passion d’un jeu mêlée à des sentiments humains plus exacerbés.
 Vous le trouverez sur : http://www.lespresseslitteraires.com/index.html?menu=71289&id=71289&entree=1&c1=&c2=&produit=256137

Prix nouvelle Rouerg'Arte

Premier prix de la nouvelle Rouerg'Arte  .   Extrait

 

Lorsque le curé alla chercher la Sainte Épine dans le reliquaire, il fut accueilli par un vide éloquent. Elle avait disparu. Pourtant, la porte n’avait pas été fracturée. Aucune autre ouverture ne permettait à la lumière du jour de rentrer dans cette pièce borgne. Nul indice ne laissait à penser que quelqu’un d’autre s’était introduit avant l’abbé Michel. Celui-ci, devant l’intensité du désastre, ne pouvait se résoudre à annoncer à ses paroissiens, et aux nombreux visiteurs attendus, l’annulation de la procession, faute de trésor. Prostré, assis sur la seule chaise, il attendait un miracle qui, décidément, ne venait pas. Il pria tous les saints des environs, mais aucun ne répondit à son appel. Il se sentait abandonné même par son Dieu. Il s’interrogeait sur ses péchés, mais n’en trouvait aucun qui pouvait correspondre à une sanction aussi terrible.

 

Joachim, son enfant de chœur préféré, rentra dans la salle.

— Monsieur le curé. Les gens s’impatientent dehors, il faut y aller.

Le religieux s’affaissa d’avantage sur son siège, les mains enfouies dans son visage.

— Mais qu’avez-vous ?

D’un signe de tête, le prêtre désigna la vitrine vide.

— Tu vois bien. L’Épine a disparu !

— Ce n’est pas possible. Tout le monde l’attend dehors.

Les yeux du garçon étaient aussi exorbités que ceux du portrait posé sur un des murs de pierre.

— Il faut tout arrêter. La procession et le grand repas. Tout.

L’adolescent était connu pour être aussi malicieux que dévoué à son maître. Des rides taquines envahirent un front large et intelligent.

— J’ai une idée. Recouvrons le reliquaire du velours rouge qui l’enveloppe. Personne ne verra rien.

Les traits du curé se détendirent avant de reprendre leur aspect misérable.

— Mais tout le monde va s’en étonner ; certains demanderont même à soulever le tissu.

Le cerveau juvénile travaillait à grande vitesse. Ses yeux devinrent aussi brillants que les pierres qui décoraient la châsse.

— Vous n’avez qu’à dire que c’est un ordre de l’évêché, afin de protéger les reliques des effets de la lumière.

Une légère éclaircie surgit dans le crâne de l’abbé. Celle-ci s’élargit pour devenir une véritable aurore boréale qui illumina toute la pièce.

— Joachim, tu es génial. Place le coffret sur le panneau et recouvre-le du velours. On y va.

 

La procession se déroula sans encombre, à part un petit incident qui fit battre le cœur du prêtre au-delà des limites raisonnables. Un des porteurs trébucha, le voile bougea légèrement et découvrit une partie du reliquaire. Heureusement, personne ne s’aperçut de l’apparence de vide, hormis les deux protagonistes de la supercherie. La châsse fut très vite rapatriée dans son local, dès la marche terminée. Le père Michel put ainsi rejoindre le banquet, l’esprit tranquille, du moins en apparence. Deux interrogations le rongeaient : qui avait bien pu dérober la Sainte Épine et quel châtiment céleste allait-il subir, lui, pour son forfait ? Aussi, l’ecclésiastique abusa du vin pendant le déjeuner, au point de se confier au maire de Sainte-Eulalie-d'Olt, assis à côté de lui. Pierre Boudou l’écouta, interloqué. L’affaire était grave. Très grave. Si l’on apprenait la vérité, la réputation d’un des plus beaux villages de France allait atteindre les bas-fonds médiatiques. Les subventions se tariraient et le premier magistrat pourrait même perdre les prochaines élections. Il fallait œuvrer en toute discrétion. On demanda à Joachim de se taire avant qu’il n’ébruite partout la nouvelle. On le menaça même d’excommunication. On rajouta toutefois un petit pécule de peur que la menace d’un châtiment divin ne soit pas assez puissante pour acheter son silence.

Une pièce avec un lit, celle d’une maison de retraite. Sur un fauteuil, plutôt une chaise roulante, une vieille dame, distinguée, élégamment vêtue, lit un livre. Entre une infirmière, portant un paquet.

Michèle : — Bonjour Madame la Comtesse. Comment allez-vous ce matin ?

La Comtesse : — Comme une vieille… Mon médecin – Dieu ait son âme – me disait toujours : si après cinquante ans, on n’a pas mal quelque part au réveil, c’est qu’on est mort… Maintenant que j’en ai plus de soixante-dix, vous voyez le tableau : j’ai tellement mal partout, que je ne sais pas par où commencer quand je me lève le matin. Alors, je me tâte, je me retâte,  je fais l’inventaire, membre après membre. Quand j’en trouve un qui ne me fait pas souffrir, alors, c’est une belle journée qui commence.

Michèle : — Vous avez de beaux restes, et puis… un cerveau qui fonctionne encore parfaitement. J’aimerais bien vous ressembler quand j’aurais votre âge…À propos, quelqu’un vous a apporté ce paquet. Il m’a dit que c’était très important. Des chocolats ? Je pense avoir reconnu l’odeur ?

La Comtesse : — Comment était-il ce quelqu’un ?

Michèle : — Beau comme un Dieu. L’air un peu canaille : veste en cuir, jean à la dernière mode, chaussures pointues comme un navire de guerre, fossettes dévastatrices… Il m’a d’ailleurs donné rendez-vous au café, après mon service.

La Comtesse : — Les yeux bleus et la mèche rebelle ?

Michèle : — Oui, c’est cela. Bleus comme l’océan.

La Comtesse : — C’est Fernand, mon fournisseur… Et vous allez y aller, à ce rendez-vous ?

Michèle : — Je ne sais pas encore. J’en ai envie, mais je ne voudrais pas paraître trop pressée. Quand pensez-vous ?

La Comtesse : — Faites le languir… Cela marche toujours avec les hommes… Mais je vous avertis, c’est un voyou…  Dites, votre amoureux, qu’est-ce qu’il va en penser ?

Michèle : — Marcel ? On est en froid. Il parait que j’aguiche trop les hommes. Pas encore marié, et déjà jaloux. J’hésite à le revoir. Ma tête navigue dans un labyrinthe : je cherche mon chemin sans arriver à le trouver.

La Comtesse : — Il faudra que vous me le présentiez, ce Marcel. Je vous dirai ce que j’en pense.

Michèle : — C’est vrai qu’en matière d’hommes, on m’a dit que vous vous y connaissiez. Combien de maris avez-vous eu déjà ?

La Comtesse : — Pas beaucoup… Seulement douze… J’ai arrêté là ; trop superstitieuse pour compter jusqu’à treize.

Michèle : — Dites, c’est vrai qu’ils sont presque tous morts ?

La Comtesse : — Sauf un, le premier. Un amour de jeunesse. Les autres…

Michèle : — Vous les avez tués ?

La Comtesse : — Bien sûr… Empoisonnés pour la plupart. J’ai quand même essayé, avec le quatrième, la chute du troisième étage. Trop aléatoire : il a mis une semaine à y passer… Le poison, c’est ce qu’il y a de mieux, je vous assure. À condition de connaître ceux que l’on ne peut pas identifier lors de l’autopsie. Je vous donnerai la recette, si vous voulez. On ne sait jamais.

Michèle : — Vous me faites peur, Madame la Comtesse. Pourquoi vous me dites-vous tout cela ?

La Comtesse : — Parce qu’il y a prescription.

Michèle : — Vous êtes un monstre. Je ne vais plus oser venir vous voir.

La Comtesse : — Mais non ma petite Michèle. Je ne les ai pas tués. Je n’en ai pas eu besoin.

Michèle : — Ils étaient malades.

La Comtesse : — Non…Mieux… Ils étaient vieux… Beaucoup plus vieux que moi… Alors je n’ai eu qu’à attendre. Mes contrats de mariage, c’étaient comme une sorte de viager… le loyer en moins. Maintenant, j’ai autant de maisons que j’ai eu de maris. Un vrai petit village, autour d’un charmant petit cimetière dans lequel je mets des fleurs à chaque anniversaire de la mort de l’un d’entre eux. Je suis restée très romantique !

Michèle : — Vous êtes d’un cynisme ! J’en ai froid dans le dos. Vous n’avez jamais été amoureuse ?

La Comtesse : — Si, une fois. La première… Mais ça m’a suffi. Trop compliqué… Et puis, on perd la tête, on devient complètement stupide : une poule devant un dentier… À propos de dentier, vous pouvez me donner le verre qui est là sur l’étagère.

 

Elle va le chercher, le renifle, avant de le donner à la Comtesse qui enfile le dentier dans sa bouche sans plus de cérémonial et avale le contenu du verre.

 

Michèle : — Dites, qu’est-ce qu’il y avait dans ce verre ? Il avait une drôle d’odeur !

La Comtesse : — Du whisky. Le meilleur désinfectant que je connaisse. Rassurez-vous, je le coupe avec un peu d’eau. Il n’y a pas mieux avant de prendre mon petit-déjeuner… Dites, le beau Fernand, il ne vous a pas laissé un message pour moi ?

Michèle : — Si. J’allais oublier. Je l’ai noté sur un bout de papier, car c’est un peu compliqué. Je n’ai pas bien compris. Attendez, il est là : je vous le lis : « fourniture de première qualité, du zéro-zéro. Cercueils arrivés. Paiement par virement, comme d’habitude. Chocolats fourrés comme prévu. » Dites, il doit être bon ce chocolat. Du zéro-zéro ! Je connais le 80 %, mais pas le zéro-zéro.

La Comtesse : — C’est un chocolat que je fais fabriquer tout spécialement pour moi…

Michèle : — Mais, c’est quoi cette histoire de cercueils. C’est le vôtre ?

 

Entre au même instant un homme, d’une quarantaine d’années, habillé comme un flic.

 

Georges : — Ton cercueil ? C’est un peu prématuré. Remarque, il est bon de tout prévoir… même le meilleur ! Bonjour Maman, bonjour Michèle. Toujours aussi jolie ta petite infirmière ! Dommage que je sois déjà marié.

La Comtesse : — Bonjour mon fils. Tu es bien matinal, aujourd’hui. Tu viens me surprendre au saut du lit pour te rassurer sur ton héritage. Tu as raison, la vieillesse est encore plus délabrée au petit matin.

Georges : — Toujours aussi sarcastique, maman… Non, rassure-toi, je suis sur une affaire importante… une affaire de drogue. Figure-toi qu’un trafic à grande échelle opère dans le coin, à côté de ta maison de retraite. C’est moi qui suis sur le coup. Je dois interroger le personnel : à commencer par vous, Michèle. Vous allez tout devoir me dire. Il va falloir vous allonger, ma belle et ne rien me cacher.

Michèle : — Je ne parlerai pas. Votre mère m’a expliquée que l’on ne pouvait pas vous faire confiance. Lorsqu’elle a su que vous alliez être flic, elle m’a dit ne pas en avoir dormi pendant plusieurs nuits. Elle vous voyait un autre destin, plus…enfin moins…

Georges : — Elle a eu surtout trop peur que je découvre comment elle a tué tous ses maris. Heureusement que je suis un enfant adopté, sinon je me poserai beaucoup trop de questions sur ma filiation.

La Comtesse : — Georges, arrête ! Aide-moi plutôt à me redresser pour que je prenne mon petit-déjeuner.

 

Il l’aide avec Michèle en roulant son fauteuil devant une table.

 

Georges : — Qu’est-c’est que ce paquet ? Drôle d’emballage !

La Comtesse : — T’occupe mon fils. Serre-moi plutôt une tasse de thé.

Michèle : — C’est du chocolat fourré. Du zé…

La Comtesse : — Du zémaphore. Une marque suisse que je me fais livrer. On ne le trouve qu’à Genève…Comment va mon petit-fils, mon petit Yann ?

Georges : — Il commence à m’inquiéter. Il a à peine fini sa crise d’adolescence qu’il veut maintenant se marier… Avec une plus vieille que lui ; une prof, je crois.

Michèle : — Cela doit être héréditaire.

Georges : — Quoi ?

Michèle : — Ben, de vouloir se marier avec quelqu’un de plus vieux.

Georges : — Je n’y avais pas pensé. J’ai refusé de la rencontrer cette femme, mais il va falloir que je lui dise de se méfier : les problèmes psychologiques, cela saute une génération.

Michèle : — En effet ! Une mère empoisonneuse, un fils flic et un petit fils meurtrier !

Georges : — Empoisonneuse, avez-vous dit Michèle. La serial-killer vous aurait enfin avoué ses crimes. Le poison est dans le chocolat… fourré à l’arsenic !... Bon, trêve de plaisanterie, il va falloir que j’y aille. J’ai au moins vingt personnes à interroger. À bientôt maman, je passe te dire au revoir lorsque j’aurai fini.

Michèle : — Commissaire. Vous pouvez commencer par moi, si vous voulez. J’ai plein de choses à vous dire.

 

Ils s’en vont tous les deux, laissant la comtesse manger son petit-déjeuner. Entre alors Albertine, la femme de ménage, look un peu déjanté.

 

ALBERTINE : — Bonjour Madame la Comtesse. C’est jeudi, le jour du ménage.

La Comtesse : — Bonjour ma petite Albertine. Allez-y, vous ne me dérangez pas. À propos, vous avez pensé à moi ?

ALBERTINE : — J’allais oublier. J’ai votre petit paquet… Voyons, où l’ais-je mis ? Je ne le trouve plus. Elle fouille dans son seau et ouvre la serpillère

La Comtesse : — Ce n’est pas ce qui dépasse de votre poche là ?

ALBERTINE : — Mais oui, c’est ça. Dites, comme médicament c’est un peu bizarre, on dirait du réglisse, mais sans l’odeur. Cela sent plutôt le renfermé.

La Comtesse : — Vous avez ouvert le paquet ?

ALBERTINE : — J’ai bien dû. Figurez-vous que je suis passé au supermarché pour acheter des herbes de Provence, c’est rapport à mon cousin qui travaille à la poste, vous savez Jeannot, je vous en ai déjà parlé, celui qui habite près de du cimetière, remarquez il est bien là, au calme, c’est pas le bruit qui le gêne…

La Comtesse : — Albertine, si vous pouviez m’épargner les détails. Allez droit au but, ne vous perdez pas dans vos histoires de famille que je ne connais que trop.

ALBERTINE : — J’en étais où ? Si vous me coupez sans arrêt, je perds le fil, vous savez bien.

La Comtesse : — Les herbes de Provence au supermarché.

ALBERTINE : — Voilà, c’est ça. Bon, en revenant chez moi, j’ai croisé Odette, vous savez ma copine qui a un vieux chien, le pauvre il n’a que trois pattes parce qu’il est passé sous une voiture, remarquez il se débrouille bien, si vous le voyiez gambader… lui au moins, il n’a pas besoin de déambulateur !

La Comtesse : — Les herbes de Provence, essayez de vous concentrer sur ce sujet. Ne pensez qu’à une seule chose : les herbes de Provence.

ALBERTINE : — D’accord, les herbes. Bon, en arrivant chez moi, je pose mon sac sur la table de la cuisine pour déballer les choses que j’ai acheté. La radio diffusait une chanson d’Aznavour, vous savez « je me voyais déjà », je l’adore, chaque fois que je l’entends je me mets à chanter à tue-tête, d’ailleurs ma voisine Paulette m’entend, « À dix-huit ans, j’ai quitté ma province… »

La Comtesse : — Les herbes de Provence.

ALBERTINE : — Bon, sur la table, il y avait aussi, votre paquet que Bernard m’avait apporté le matin, comme tous les mercredis. Il est ponctuel, Bernard, toujours à l’heure, remarquez il travaille à la SNCF, alors, l’heure ça les connaît, ce n’est pas comme…

La Comtesse : — Les herbes !

ALBERTINE : — Bref, figurez-vous que l’emballage des herbes de Provence était le même que celui de votre paquet.

La Comtesse : — Alors, en rangeant, vous avez confondu les deux !

ALBERTINE : — Exactement ! Comment avez-vous deviné ? J’ai mis votre paquet dans l’armoire des épices et l’autre dans mon sac à main, pour ne pas l’oublier.

La Comtesse : — Et le soir, vous avez voulu épicer votre dîner et vous avez ouvert le mien.

ALBERTINE : — Parfaitement. Vous êtes très forte, je ne sais pas comment vous faites pour toujours deviner ce que je vais dire…

La Comtesse : — Ce n’est pas très difficile !

ALBERTINE : — Peut-être, mais quand même. Mon copain Gilbert, c’est pareil, il sait toujours ce que je vais dire. Faut dire qu’il en a dans le ciboulot lui, il est dans les ordinateurs, il connaît tout, internet, facebock, vitteur et compagnie. Il dit toujours que quand il est avec moi, cela le repose. Il est tellement mignon et puis au lit, si vous saviez…

La Comtesse : — Je ne veux pas le savoir. Et d’ailleurs, vous me l’avez déjà raconté dix fois !

ALBERTINE : — Ah bon ! Je ne m’en rappelle pas. Bon, j’ouvre le paquet d’épices et je tombe sur votre réglisse. Mon premier réflexe a été de penser que le supermarché s’était trompé. Cela m’était déjà arrivé avant : j’avais trouvé des petits pois dans une boîte de choucroute. Remarquez, j’aime bien les petits pois, mais j’avais des invités à dîner, alors j’ai…

La Comtesse : — Les herbes, seulement les herbes !

ALBERTINE : — Oui, oui. Les herbes, les herbes… Je me suis dit alors qu’ils avaient inventé un nouveau conditionnement pour les épices ; qu’ils les mettaient en concentré. Ils n’arrêtent pas d’inventer des nouveaux trucs. L’autre jour j’ai acheté du camembert en tube, c’était pas mauvais, mais quelle drôle d’idée…

La Comtesse : — …

ALBERTINE : — Bref, j’ai donc découpé un bout de votre réglisse, mais j’ai dû l’écraser avec un pilon pour en faire de la poudre que j’ai mise dans ma salade. Cela n’avait pas de goût !

La Comtesse : — Et après votre repas, vous n’avez pas eu de troubles ?

ALBERTINE : — Si, je me suis sentie toute chose. Gilbert aussi. On s’est mis à rigoler, à attraper des fou-rires, vous ne pouvez pas savoir. On était bien, et après on a fait l’amour doucement, tout doucement… Je ne sais pas ce que c’est vos médicaments, mais ça relaxe.

La Comtesse : — C’est fait aussi pour cela, c’est une sorte de calmant.

ALBERTINE : — C’est seulement le lendemain que je me suis rappelé l’histoire des paquets et que j’ai compris mon erreur. Et pourtant, cela ne m’arrive pas souvent de faire des erreurs ; quelque fois seulement ; cela me fait penser que l’autre jour, j’étais chez le dentiste…

La Comtesse : — Voilà pourquoi le paquet est ouvert et qu’il en manque un bout. Ce n’est pas grave Albertine. Pour le ménage, revenez tout à l’heure, j’attends quelqu’un.

ALBERTINE : — Comme vous voulez. Dites, je peux en avoir un petit bout de votre réglisse. J’ai l’impression qu’il est un peu aphrodisiaque ! J’ai rendez-vous avec Gilbert ce soir ?

La Comtesse : — Tenez, éclatez-vous bien et… pensez à moi.

Acte 1 Scène 1

FRANÇOISE : Elle m’a gonflé, tu ne peux pas savoir ce qu’elle m’a gonflé. Et Paul par ci, et Paul par là. Il n’y en a que pour toi. Selon elle, tu serais une des merveilles de l’Univers, l’acmé de la masculinité, le mâle universel. D’après elle, je ne te mérite pas, mais alors pas du tout !

PAUL : Remarque, elle n’a pas tort. Que tu le veuilles ou non, je suis quand même un être exceptionnel. Tu me l’as souvent dit !

FRANÇOISE : N’en fais pas trop quand même ! Et que tu as de la chance d’être mariée avec Paul qui est toujours prévenant, qui devance le moindre de tes désirs, qui t’offre tout ce que tu souhaites… Elle m’a vraiment gonflée, encore plus que d’habitude. Quelle charogne !

PAUL : Et tu penses qu’elle a tort ?

FRANÇOISE : Non, je ne dis pas cela. Tu es merveilleux mon chéri, je te l’ai toujours dit.

PAUL : Et alors, je en vois pas pourquoi cela te gêne qu’elle pense comme toi.

FRANÇOISE : Mais parce que c’est cette dégénérée qui le dit. Fabienne n’a pas le droit de te trouver exceptionnel. Tu es à moi, pas à elle. Pas à cette pimbêche qui se prend encore pour une adolescente. Non, mais tu as vu comme elle s’habille. Une pute… Une vraie pute sur le retour. Tu ne vas pas me dire que tu ne l’as pas remarqué !

PAUL : Elle est peut-être un peu trop maquillée. Pour le reste…

FRANÇOISE : Ah, vous les hommes, vous êtes tous les même ! Du moment qu’on porte une minijupe, un corsage transparent et des talons de dix centimètre de haut, on est bien habillé. Non, mais tu as vu ces couleurs ! Un vrai arc en ciel ambulant ! Remarque, dans le noir, on ne risque pas de la perdre.

PAUL : Chérie, je ne te comprends pas. On dit du bien de ton mari, on te jalouse car tu t’es mariée avec Apollon croisé avec Einstein, et tu n’es pas contente. N’importe quelle femme à ta place serait ravie.

FRANÇOISE : Pas elle ! Tu comprends, si c’est cette dégénérée qui te trouve formidable, c’est peut-être que… tu ne l’es pas.

PAUL : Que veux-tu dire ? J’ai un peu de mal à saisir ta logique féminine.

FRANÇOISE : Je veux dire que si un être stupide trouve quelqu’un intelligent, c’est qu’il ne l’est pas ! Une poule ne peut pas comprendre un génie.  C’est mathématique !

PAUL : Je n’ai toujours rien compris.

FRANÇOISE : Tu le fais exprès ou quoi ! À moins que…

PAUL : À moins que quoi ?

FRANÇOISE : Que finalement, tu sois aussi conne qu’elle.

PAUL : Con.

FRANÇOISE : Con, quoi ?

PAUL : Je ne peux pas être conne. Con peut-être… mais pas conne.

FRANÇOISE : Si justement ! Conne, je le maintiens.

PAUL : Que veux-tu dire ? Je nage dans une logique de plus en plus floue. Un vrai marécage d’incohérence !

FRANÇOISE : Je lui ai dit que tu étais…

PAUL : Que j’étais…

FRANÇOISE : Homosexuel. Je lui ai dit que tu étais… gay… gay jusqu’au bout des ongles !

PAUL : Mais tu es complètement folle ! Moi gay ?

FRANÇOISE : Écoute, elle m’a tellement énervée… que cela m’a échappé. C’est parti tout seul !

PAUL : Et j’espère que tu t’es vite rétractée.

FRANÇOISE : Non... Au contraire, j’ai… creusé… développé…approfondi.

PAUL : Tu as creusé ! Tu as approfondi ! Tu as développé quoi ? Que tu avais des preuves ?

FRANÇOISE : Oui. Que… je t’avais surpris dans les bras d’un homme en train de l’embrasser sur la bouche.

PAUL : Et alors, cela ne prouve rien. Les russes s’embrassent bien sur la bouche, et ils ne sont pas tous gays que je sache !

FRANÇOISE : Que je m’en doutais depuis quelque temps, car tu avais commencé à me demander des pratiques sexuelles… spéciales.

PAUL : De mieux en mieux. Et quoi comme pratiques, j’ai hâte de savoir. On ne sait jamais, cela pourrait ouvrir de nouveaux horizons à notre couple, mettre un peu de piment dans nos relations qui sont, disons-le, un peu trop classique apparemment !

FRANÇOISE : Des choses spéciales. Enfin tu sais bien…

PAUL : Non. Je suis toujours dans le bleu… Un bleu foncé, si tu veux mon avis. Presque noir.

FRANÇOISE : Des trucs que font les homosexuels, des trucs par… enfin merde, tu le fais exprès !

PAUL : Sois plus précises. Vu que je n’ai jamais été gay, je ne vois pas trop où tu veux en venir.

FRANÇOISE : Des trucs par… derrière.

PAUL : Ah, ça y est ! J’ai pigé ! Et alors, cela peut se faire dans un couple. D’accord, tu as toujours refusé. Tes fameux principes religieux. Mais je suis sûre qu’elle le pratique, elle.

FRANÇOISE : Qui ?

PAUL : Fabienne. La dégénérée. Elle n’a pas réagi dans ce sens quand tu lui as dit que j’étais devenu un obsédé de la marche arrière.

FRANÇOISE : Si. Alors, j’ai dû…

PAUL : Je m’attends au pire.

FRANÇOISE : Je lui ai dit que je t’avais surpris avec… Dominique… dans notre lit.

PAUL : Dominique ! Mon associé ! D’accord, il est homo, mais de là à coucher avec lui !

FRANÇOISE : Oui, avec lui. Même que tu as fait ton coming out dans la foulée. Que tu m’as avoué avoir compris ton homosexualité depuis des années pour enfin l’admettre.

PAUL : Non, mais tu es complètement folle ! Mon coming out… et avec Dominique en plus ! Quand il va savoir que j’ai enfin couché avec lui, il va être aux anges. Il devait en rêver depuis des lustres ! Mais, tu te rends compte dans quelle situation, tu nous as mis ! Tu es complètement folle, ma pauvre !

FRANÇOISE : Fabienne ne va rien dire à personne. Elle m’a donné sa parole.

PAUL : Et tu l’as crue ! Tu sais très bien qu’elle ne peut pas tenir sa langue. D’ici ce soir, tout le monde va être au courant. Ah, elle va être belle la fin des vacances ! Je vois le tableau d’ici : un vrai Picasso de la grande époque ! On va tout de suite démentir… Tout de suite et tous les deux… ensemble.

FRANÇOISE : Non.

PAUL : Comment ça, non ?

FRANÇOISE : Tu sais très bien qu’on ne peut pas arrêter une rumeur comme cela. Il faut trouver autre chose.

PAUL : Autre chose ! Remarque, j’ai bien une idée…Radicale d’ailleurs.

FRANÇOISE : Laquelle ?

PAUL : Eh bien… Que je couche avec Fabienne pour lui prouver le contraire.

FRANÇOISE : Avec cette pute ! Pas question ! Si tu fais cela, je te quitte sur le champ.

PAUL : Alors avec Catherine. Elle est moins bandante, mais si c’est pour la bonne cause, alors je suis prêt à me dévouer.

FRANÇOISE : Pas question non plus. Elle a toujours été amoureuse de toi. Elle serait trop contente.

PAUL : Alors avec qui ?

FRANÇOISE : Personne. Avec personne. Sinon, bye bye.

PAUL : Françoise, tu nous fous dans un merdier impossible qui va chambouler notre vie et celle de nos amis. Et quand je te propose une solution simple pour en sortir, tu refuses tout en bloc. Il va falloir que tu assumes les conséquences de tes actes… pour une fois.

FRANÇOISE : Que veux-tu dire ?

PAUL : Que tu es la reine des embrouilles.

FRANÇOISE : Et toi, un salaud qui, à la première occasion, trouve un prétexte pour coucher avec les épouses de nos amis. Tu es un vrai salaud, Paul ! Je ne sais pas si tu t’en rends compte ! Tu trouves la première opportunité pour assouvir tes fantasmes. Bravo !

PAUL : Arrête ! Je te signale que tout ceci est de ta faute. J’essaie simplement de réparer les dégâts. Alors, que proposes-tu pour nous sortir du merdier dans lequel tu nous as foutu ?

FRANÇOISE : Rien.

PAUL : Rien ! Comment ça, rien !

FRANÇOISE : Je me suis dit que cela pourrait mettre du piment dans notre vie. Tu ne trouves pas que nous devenons un vieux couple endormi par nos habitudes. Il est encore temps de réagir, Paul ! Alors, je n’infirmerai rien. Au contraire, je vais tout faire pour que la rumeur se propage… Je vais me baigner dans la mer mon amour, je te laisse avec ta conscience. Je m’en vais dire à toute la plage que tu assumes enfin le genre que t’a donné la Nature… dans sa grande générosité.

Prix nouvelle Rouerg'Arte

Je viens de recevoir le premier prix de la nouvelle de Rouerg'Arte pour "La Sainte Epine". Merci à cette association qui associe aussi bien ruralité et littérature.

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