Les choses de la vie

Les choses de la vie

Lorsqu’elle me regarda, une présence m’enveloppa immédiatement, une âme me transperça. J’avais déjà caressé cette mèche érotiquement rebelle, j’avais déjà répondu à ce sourire entendu et si prometteur, je m’étais déjà plongé dans ces yeux mirabelle. Ma chair reconnaissait cette chair, ma peau se souvenait de son toucher, mes oreilles de sa voix, mais mon esprit n’arrivait pas à se rappeler ni son nom ni les circonstances de notre passé commun. Je restais là, immobile, à la regarder ; elle me rendait la pareille comme si elle tentait de se remémorer nos aventures. Ne sachant plus quelle attitude prendre, je partis brusquement, la laissant dans l’expectative, assise sur cette chaise, seule au milieu de la pièce.

Je retournai chez moi pour tenter d’oublier cette vision dans le travail que je devais terminer absolument ce soir-là. Il n’en fut rien : chaque objet, chaque miroir, chaque ombre me renvoyaient son image diaphane et si présente, aérienne et si réelle. Même lorsque je me forçais à fermer les yeux, elle arrivait à percer mes paupières, à imprimer mon cerveau comme un tag indélébile sur le mur de mes souvenirs. Je ne dînai pas, me contentant de quelques verres de vin dans lesquels j’espérais trouver la solution à mes interrogations. L’alcool ne fit qu’embrouiller mon esprit qui butait inlassablement contre le rempart de ma mémoire. La télévision allumée dans un réflexe désespéré ne m’aida en aucune manière ; au contraire, le reflet de mon inconnue occupa tout l’écran dans lequel les restes d’un western essayèrent de continuer leurs chevauchées pathétiques. L’héroïne d’un livre pris au hasard se transforma au bout de quelques lignes en mon égérie et mon entendement s’envola de la page pour rejoindre mes pensées. De guerre lasse, je partis me coucher, la bouche pâteuse et l’intelligence en compote. Le sommeil ne vint pas : la belle était dans mon lit, nue et offerte. Je sentis sa chaleur inonder ma cuisse et son corps se frotter contre le mien. Elle me regardait du plafond comme d’un miroir espiègle, elle arrivait de la salle de bains en tenue légère, elle me caressait de son toucher magique qui faisait frissonner ma peau, elle était sur moi, elle était en moi…

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