La face cachée de mon âme

La face cachée de mon âme

Je naviguais sur le lac des Songes, conduisant la barque que j’avais péniblement assemblée, près du cratère de Humboldt, à l’aide des matériaux de fortune récupérés des restes d’astéroïdes qui tombaient régulièrement en un geyser de poussière. Le balancement de mon embarcation épousait le rythme de mes rames, dans une résonnance qui m’emplissait de sérénité et de bonheur. Le silence n’était troublé que par le clapotis des vaguelettes de poudre d’or qui s’échouaient sur la légère coque pastel de mon esquif, en un écho assourdi. À l’horizon, un astre indigo se détachait de la surface mordorée qui m’entourait, éclairée par un soleil permanent. Celui-ci jouait des ombres chinoises avec les nombreux cratères qui parsemaient mon chemin. Je voguais dans un tableau de Rembrandt au clair-obscur élégant. Bientôt la Terre se lèverait à la verticale comme une planète Majorelle enveloppée par la brume ouatée de ses vapeurs océanes. J’étais à la fois heureux et impatient. Je sentais le battement de mon cœur retentir dans toute ma poitrine, car, pour la première fois, j’allais passer de l’autre côté de la lumière : j’allais explorer la face cachée du satellite qui m’accueillait. J’avais longuement hésité avant de décider de sillonner ce monde inconnu, sur lequel les légendes les plus inquiétantes et les plus folles circulaient dans le petit monde feutré du système solaire. Je connaissais bien l’étendue que je traversais, j’avais déjà vogué sur la mer des Humeurs, celles des Écumes et des Vapeurs, j’avais escaladé le cratère Tycho et le mont Pilatus, mais n’avais jamais osé m’aventurer derrière cette ligne où le soleil ne venait jamais. Une excitation ambiguë envahissait mes sens, en même temps qu’une appréhension trouble m’enivrait de ses émanations…

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